La “ville ocre”
Chaque Medina du Maroc a son caractère propre. Ce qui frappe d’emblée le promeneur dans les ruelles de la Medina de Marrakech c’est la couleur ocre. Un ocre aux nuances de rouge, ce qui a valu à la cité son surnom de “Ville ocre” ou “Ville rouge”. Le lien à la terre crue, le pisé, est donc rappelé sans cesse à chacun.
Le visiteur est aussi impressionné par la prédominance des longs et hauts murs qui dessinent les rues et semblent vouloir en dissimuler les maisons simples ou les demeures aux allures de palais. Cette intimité est cachée aux yeux des visiteurs. De rares fenêtres percent les murs, seules les portes donnent parfois un signal du caractère de l’habitation. Même entrouvertes, on ne percevra qu’un couloir-entrée, lequel débouchera sur le patio à ciel ouvert.

Patio Riad Dar Taliwint
Un peu d’histoire
La Medina de Marrakech commence à être érigée à la fin du XIe siècle par le souverain Almoravide Youssef Ben Tachfine qui en fait sa capitale. Son développement est donc très rapide. Elle s’étend aujourd’hui sur 600 hectares et est la plus peuplée d’Afrique du Nord. Ses remparts crénelés ont un périmètre de 10 km et plusieurs portes les ouvrent. Depuis 1985 elle est inscrite au Patrimoine Universel de l’Unesco.
Au long de l’histoire du Royaume, elle fut plusieurs fois capitale, comme Fès, Meknès, Rabat. Ainsi s’enchaînent périodes de gloire et de déclin. Les dynasties Almohades (Kasbah, Bab Agnaou, Koutoubia) et Saâdiennes (Medersa Ben Youssef, Palais Badiî) sont à l’origine des monuments les plus emblématiques de la cité.
Le cœur battant de cette médina est l’incontournable Place Jemaa El Fna. Classée par l’Unesco au Patrimoine Immatériel Mondial de l’Humanité, elle s’anime surtout le soir. La parcourir, se frayer un chemin entre les tables des restaurants et les cercles (halkas) des spectateurs réjouis, reste une expérience sensorielle unique.
Les contours de la célébrissime Place semblent circonscrits dès le XIIe siècle. D’abord lieu d’exécutions publiques, puis de commerce et d’échanges, elle est désignée “lieu de spectacle” à partir du XVIe siècle. Ceux qui, aujourd’hui, affirment qu’elle est un “piège à touristes”, ne connaissent pas les étapes de son évolution et oublient que l’histoire est têtue! La Place vibre tout au long de l’année, en présence ou en l’absence de touristes. Les principaux adeptes sont les habitants.
Le petit Musée du Patrimoine Immatériel de la Place Jemaa El Fna, qui présente de nombreux documents et films d’époque, permet de clarifier les choses!
Quartiers emblématiques
Mellah
Le Mellah de Marrakech, quartier juif, semble avoir été établi en 1558, sous le règne d’un sultan Saâdien. Situé à proximité du Mechouar (le Palais Royal), il devient l’une des principales zones commerciales de la ville et un quartier fortifié, avec ses portes fermées la nuit. Le Mellah, historiquement, fut toujours un quartier pauvre, voire misérable. Jusque dans les années 40, il compte encore 27000 citadins.



Kasbah
Une ville dans la ville! Dès l’origine, qui remonte au XIIe siècle, le quartier de la Kasbah est comme une citadelle encerclée de ses remparts et divisée par des murs défensifs. Le quartier vit en totale autarcie. Les marchandises vitales y sont entreposées et protégées. La dynastie Almohade y construit un Palais, emblème de sa puissance, une grande mosquée et une Medersa (école) sans oublier la magnifique porte Bab Agnaou.

Porte Bab Agnaou
On y trouve aussi des marchés, des bains, des écuries, un cimetière, des jardins… La dynastie Saâdienne, au XVIe siècle enrichit et embellit le secteur par la construction du splendide Palais Badiî, la restauration et l’agrandissement de la mosquée, l’établissement des Tombeaux Saâdiens.

Palais Badiî
Le quartier devient une vitrine de l’éclat de cette dynastie. Plus tard, notables puissants y feront ériger de somptueuses demeures. La Kasbah reste alors un centre de pouvoir. Aujourd’hui les traces de ces époques glorieuses sont encore visibles avec les murs altiers, les restes de remparts crénelés, les somptueuses ruines du Palais Badiî, la mosquée Moulay El Yazid au minaret imposant, le site des Tombeaux Saâdiens et même le récent Palais Royal, caché derrière ses murs et que protège la Garde Royale.

Quartier de la Kasbah

Mosquée Moulay El Yazid
Aujourd’hui, se promener dans les ruelles est un voyage dans ce passé lointain. Le marché et les nombreux magasins de gros perpétuent finalement la fonction d’entrepôts que remplissait le quartier. Tous les monuments anciens cités sont encore visibles. Plus récemment le Musée du Monde des Arts de la Parure, qui a ouverts ses portes entre le Palais Badiî et les Tombeaux Saâdiens, vaut vraiment le détour.

Les Tombeaux Saâdiens

Musée du Monde des Arts de la Parure
Riad Zitoun
Les quartiers de Riad Zitoun Jdid (nouveau) et Riad Zitoun Kedim (ancien) s’articulent entre les deux longues rues quasi parallèles qui portent les mêmes noms. Elles commencent à la lisière du Mellah et serpentent pour arriver sur la Place Jemaa El Fna. Le quartier s’est largement développé dès la construction du Palais Bahia à la fin du 19e siècle.

Palais Bahia Riad
Le maréchal Lyautey y a établi sa résidence en à partir de 1912. L’établissement des troupes françaises contribue naturellement à l’essor de cette zone, à l’installation de nombreux résidents étrangers et à la prolifération des commerces.

Rue Riad Zitoun Jdid
Ces deux rues pittoresques, extrêmement vivantes, sont bordées de boutiques, d’échoppes artisanales, de restaurants, d’épiceries et de petits magasins de proximité. Elles sont un préambule aux souks. Des arches viennent souligner les entrées des rues secondaires.

Rue de la Bahia
Riad Zitoun est un quartier résidentiel qui, plus récemment, a vu s’établir des maisons d’hôtes dans les riads restaurés. Outre le célèbre Palais Bahia, on y trouve la magnifique demeure qui abrite le Musée Dar Si Saïd dédié aux tapis et au tissages. Les deux rues principales grouillent de monde mais le calme règne dans les rues avoisinantes que l’on peut parcourir en toute tranquillité.
Mouassine
Ce quartier historique, dont une partie est imbriquée dans les souks, date des XVIe et XVIIe siècles, au temps de la dynastie Saâdienne. Un ancien quartier juif fut déplacé vers le Mellah. A partir de 1562, se développe , autour de la Mosquée Mouassine, de la fontaine-abreuvoir, du hammam, de l’école coranique, un nouveau modèle urbain.

Fontaine Mouassine
Le tracé en est encore bien visible. Les grands murs cachent des riads imposants avec leurs grandes cours-jardins, anciennes demeures de notables. Le Dar Cherifa (restaurant et lieu culturel) , le Ksar Essaoussan (restaurant) sont deux beaux exemples de riches maisons aristocratiques de la fin du XVIe siècle. De nos jours, les axes principaux et ruelles secondaires mènent à de belles boutiques d’antiquaires, de créateurs de vêtements traditionnels et caftans, à des cafés branchés et restaurants animés.
On passe dans les souks des teinturiers, des ferronniers, des artisans du cuir…
A quelques pas se trouvent le Musée de la Musique, le Palais Dar El Bacha (Musée des Confluences), et le Jardin Secret de conception récente.

Le Musée de la Musique

La Medersa Ben Youssef
Quelques foundouks font aussi l’objet de restaurations. Ces établissements, à cour centrale et sur plusieurs étages, accueillaient les voyageurs-commerçants qui pouvaient y stocker leurs marchandises, y traiter leurs affaires mais aussi s’y restaurer et y être hébergés. La Medersa Ben Youssef, la Maison de la Photographie, la pittoresque Place des Epices sont aussi dans le voisinage.
Un monde en soi…
La vaste Medina de Marrakech compte naturellement de nombreux autres quartiers. Une mosquée, un hammam et son four public, une école en déterminent toujours le périmètre. Leurs noms peuvent évoquer une porte d’entrée, une mosquée, un Saint, un ancien jardin, le nom d’un Palais ou d’un personnage illustre. Citons Bab Aylen, Riad Laârous, Dar El Bacha, Kennaria, Bab Doukkala, Derb Dabachi, Ben Saleh, Sidi Ben Slimane El Jazouli, Bab Debbagh, Moukf…
Certains quartiers populaires offrent un aspect brouillon, sans plan ordonné. D’autres, plus résidentiels, semblent avoir été dessinés scrupuleusement pour mettre en avant l’élégance de ses demeures imposantes.
Les Medinas du Maroc, et particulièrement celle de Marrakech, au delà des murs et de l’architecture restent avant tout des lieux de vie, d’échanges de commerce. Les rues ont la gaieté des couleurs des tapis accrochés aux murs.
Mais ce sont aussi les Marrakchis (habitants de Marrakech), si dynamiques, sociables, communicants et accueillants, qui rendent leur ville ancienne si fascinante et enthousiasmante. La Medina s’endort assez tard et ne se réveille pas très tôt. Le temps s’y déroule différemment. C’est un autre aspect de la magie qu’exerce la cité ocre. Chaque déambulation dans ses ruelles est une expérience humaine réjouissante et sans comparaison.