La découverte!
” Que mes yeux caressent ces lieux pour tous les siècles où ils n’ont pas été visités !” Maurice Tranchant de Lunel, dans son ouvrage “Au pays du paradoxe”, traduit son émotion lorsqu’il découvrit, par une nuit les Tombeaux Saadiens: “A la lueur des lanternes, la sobre splendeur de ce tombeau, le plus magnifique à coup sûr de tout le Maroc, me remua jusqu’à l’absolu silence.”
Cet architecte français, aquarelliste à ses heures, chargé d’une mission de mise en valeur des monuments du Maroc par le Maréchal Lyautey (Résident Général du Maroc 1912-1925), répond à l’invitation d’un Caïd. Son hôte évoque les empereurs Saadiens, et pose à Tranchant de Lunel une simple question: “Veux tu voir?” Il l’entraîne du côté de la Grande Mosquée et, par un accès secret et difficile, lui permet de redécouvrir ce Mausolée des Sultans Saadiens. La porte, scellée depuis des siècles, avait interdit à quiconque l’accès à cette merveille architecturale. Cet ensemble de chambres funéraires, ce jardin- nécropole avaient donc été cachés, dissimulés au regard des hommes pendant si longtemps !
Aquarelle de Tranchant de Lunel, entrée des Tombeaux Saadiens
Lyautey, prévenu de cet événement, le rejoint à Marrakech. Outre ses fonctions officielles, le Maréchal est un véritable amoureux du Maroc. Il en admire les arts, l’architecture et œuvrera au long de son mandat à la reconnaissance de sa culture. Ebahi à son tour par cette découverte extraordinaire, il décide de faire ouvrir rapidement les lieux au public. Les travaux de restauration commencent. Nous sommes en 1917. Il nous faut remonter le temps.
Le Maréchal Hubert Lyautey
Mémoire d’une dynastie
Edifiés par Ahmed Al-Mansour Eddahbi (1578-1603), jouxtant son somptueux Palais El-Badiî, c’est sans doute la superstition qui empêcha la destruction totale des Tombeaux Saadiens. Ce ne fut, hélas, pas le cas du Palais Badiî qui fut progressivement démantelé par le souverain alaouite Moulay Ismaël (1645-1727) pour construire sa cité impériale de Meknes à partir de 1672.
Palais Badiî
Le Sultan Saadien, voulant honorer avec faste la mémoire des ancêtres, crée ce lieu de sépulture à la fin du XVIe siècle. Il le conçoit comme un monument digne de la gloire et de la puissance de sa dynastie. Certains historiens pensent qu’un cimetière royal existaient déjà à cet emplacement.
Le Sultan Ahmed Al-Mansour Eddahbi
Le mausolée que nous voyons aujourd’hui date de la période 1578-1603. Le Sultan Al-Mansour y fait placer les tombes des membres les plus proches de sa famille, épouses, mère, père, grand-père, frères mais aussi des personnes de rang inférieur. Il semble qu’il ait lui-même prévu sa propre sépulture. Après sa mort le mausolée continuera de remplir son office pour quelques autres descendants.
En outre, des membres de la dynastie Alaouite (dynastie régnante actuelle) y seront enterrés jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
En majesté
Les jardins sont aussi recouverts de pierres tombales colorées.
Un bâtiment, avec loggias de chaque côté, se compose de la Chambre de Lalla Mas’uda (mère de Ahmed Al-Mansour) et de la Grande Chambre.
Le plus grand édifice est composé de la Chambre du Mihrab, de la Chambre aux trois niches et de la Chambre aux Douze Colonnes où semble trôner le tombeau du Sultan Al-Mansour.
La Chambre des Douze Colonnes
Grande Chambre et Chambre des Trois Niches
Cet ensemble nécropole est évidemment ornementé de la plus belle manière. Zelliges multicolores, colonnes en marbre de Carrare, stuc et marbre finement sculptés, or, cèdre peint et sculpté. Les décors offrent des arabesques complexes, des dentelles de motifs géométriques, des muqarnas en nid d’abeilles, des stalactites…
Vous serez sans doute médusés devant tant d’invention artistique décorative.
L’hommage au temps
Il fallait bien sûr créer du beau, du magnifique afin de célébrer au plus haut point le souvenir des morts et d’entretenir la mémoire des disparus. Seuls quelques-uns sont passés à la postérité, l’histoire a retenu l’importance de tel ou tel personnage. Mais l’écrin qui abrite leur repos éternel est aujourd’hui admiré par des foules de visiteurs du monde entier, souvent silencieux et respectueux. Le temps a fait son travail.
