De Taliouine à Dar Taliwint
Le Riad Dar Taliwint tire son nom d’une petite ville du sud du Royaume, Taliouine, capitale du safran. Il semble donc bien naturel d’évoquer ici ce petit bout de monde où fleurit l’or rouge…
La cueillette
L’instant est suspendu et fragile. Il contient déjà toute la poésie de l’aube.
Mais il est aussi crucial !
Il faut éviter les premières lueurs solaires qui pourraient être fatales.
Les premiers signes de clarté du jour nouveau feront s’ouvrir les corolles des fleurs, et se détendre les pétales mauves du Crocus Sativus, découvrant les trois styles et leurs stigmates si précieux.
Surtout ne pas les altérer, ou risquer de les perdre !
Il faudra faire vite mais bien pour recueillir les fleurs encore fermées.
Le geste est précis, sec et délicat à la fois.
Il est 4 heures, Taliouine s’éveille
Nous sommes à la fin du mois d’Octobre,vers quatre heures du matin, à Taliouine, village perché à 1500 mètres d’altitude entre Atlas au nord et Anti-Atlas au sud.
Dans cette région du Souss-Massa-Draâ, entre Ouarzazate et Agadir, les tapis mauves des safranières, l’ocre jaune de la roche et la terre, le vert des oliviers composent un tableau qu’aurait peint un fauviste.
L’ancienne kasbah du glaoui en pisé se dresse encore, dominant la vallée de l’oued Zagmouzen.
Le climat est aride et les températures sont basses en hiver.
Les femmes berbères se sont donc chaudement vêtues pour le travail. Pas une n’ignore l’enjeu de cette mission : « Cette culture, c’est notre source de vie » dit l’une d’elles.
Penchées, elles ont toute la conscience du bon geste pour ramasser chacune le plus grand nombre possible de fleurs. Leurs paniers en seront remplis par milliers quand elles rentreront à la maison.
Ce n’est que le début d’une journée interminable de labeur !
Émondage
La famille entière se mobilisera, toujours à l’abri de la lumière, pour l’opération de l’émondage : extraire le pistil (en forme de trident) de la fleur, couper soigneusement sa base jaune pour n’en conserver que les inestimables filaments rouges. Les doigts jauniront au fur et à mesure du tri fastidieux.
Enveloppés dans un grand drap, les filaments sécheront pendant une semaine environ.
Parfois c’est une simple cantine qui fera éventuellement office de coffre-fort pour conserver à la maison la production de cet or rouge, que le monde entier convoite.
Rêve et réalité
Le safran de Taliouine possède une teneur en safranal tout à fait exceptionnelle.Une bonne concentration de ce ce composé est déterminante pour l’arôme et pour les vertus médicinales de l’épice (douleurs, système nerveux, rythme cardiaque, circulation sanguine, digestion, asthme, pression artérielle…).
Ce sont environ 1400 familles, propriétaires de leurs quelques parcelles, qui tentent de vivre au mieux grâce à la culture safranière. Mais malgré les cours du marché international qui rangent le safran parmi les produits les plus chers de la planète, aucun agriculteur n’est devenu milliardaire.
Une famille de Taliouine ne produira que quelques kilos de safran par an, sachant que 150 000 fleurs sont nécessaires pour donner un kilo de safran séché.
Une Appellation d’Origine Protégée « Safran de Taliouine » a été créée en 2010. Le Festival du Safran annuel depuis 2007 ajoute du panache et de la joie à la cause ! En 2011, c’est une visite de sa Majesté le Roi Mohammed VI qui allait apporter sa caution royale aux différents acteurs.